FOCUS – Entretien avec Valérie Tabart, tête de liste Ensemble sur nos Territoires dans les Côtes d’Armor pour les élections régionales en Bretagne
Valérie Tabart, membre d’Ensemble sur nos Territoires a été désignée tête de liste dans les Côtes-d’Armor pour les élections régionales des 13 et 20 juin prochains. Retour sur son parcours politique, d’engagement militant, ses aspirations pour sa région et son département.
Agée de 47 ans, Valérie Tabart a été coordinatrice régionale puis secrétaire générale nationale du MRJC, mouvement de jeunesse et d’éducation populaire. Elle est depuis 20 ans à la tête d’une entreprise artisanale, qui fabrique des moulins à farine destinés à l’agriculture paysanne et biologique. Elle a été maire de la commune de Laurenan de 2009 à 2020 et co-présidente du réseau Bruded, Bretagne Rurale et Rurbaine pour le développement durable. Praticienne du développement local rural, elle a impulsé de nombreuses réalisations novatrices pour dynamiser le territoire du Centre Bretagne : rénovation écologique, commerce alimentaire associatif, démarches participatives.
Qu’est-ce qui dans votre parcours vous a amené à présenter votre candidature pour ces élections régionales en Bretagne ?
Dans mon parcours, le fait d’avoir été maire d’une commune rurale et d’avoir porté une démarche ambitieuse, audacieuse, courageuse de transition écologique et de démarche participative, m’amène à vouloir porter un projet de transformation écologique et sociale au niveau de la région Bretagne. Je porte particulièrement la question de la transition agricole et alimentaire, du fait de mon parcours. J’ai été sensibilisée très jeune, il y a plus de 30 ans maintenant, aux limites de la planète et il est plus que temps avec l’urgence climatique, la perte vertigineuse de la biodiversité, d’être vraiment sur un logiciel de développement qui intègre complètement les limites des ressources, les limites de la planète. Il faut avoir un développement équilibré, socialement plus équitable, au sein de la région Bretagne et qui intègre aussi un rapport plus équilibré avec les autres territoires et le reste du monde. C’est cela qui m’importe, et forcément, cela suppose de renoncer à la vocation exportatrice de l’agriculture, et donc changer le modèle agricole breton. C’est ce que je vais particulièrement porter dans cette campagne et au sein de la liste Bretagne d’Avenir où nous opérons un choix clair de transformations. On ne veut pas en même temps soutenir des structures de l’agro-écologie et en même temps continuer à soutenir, par des politiques publiques, l’agro-industrie. J’ai un regard sur l’orientation de l’agro-écologie mais aussi sur la dimension sociale, la taille humaine des fermes et la capacité d’autonomie économique et de décision des agriculteurs. Si je m’engage c’est pour porter ce type de politiques publiques qui orientent vraiment le modèle agricole pour la région.
Ce que je porte dans ma candidature, c’est que je suis une tête de liste qui vient du centre-bretagne, donc la question du rééquilibrage du territoire, de la mobilité pour désenclaver le territoire, seront des thèmes forts de la campagne. Tout cela a un lien avec la montée du vote extrémiste dans les territoires ruraux face à un sentiment d’abandon, l’absence du service public, le manque de visibilité des territoires ruraux avec cette activité de l’agriculture et de l’agro-alimentaire chahutée et sans perspectives claires. Y a un fort sentiment d’abandon, j’en ai fait les frais électoraux, pourtant il y a encore des réponses à donner. J’ai commencé à faire campagne à Pontivy. Je mesure les connexions que je peux avoir au sein des territoires avec les acteurs, de par mon réseau associatif MRJC, le réseau Moulins agricoles, le réseau Bruded élus… Donc à chaque fois, ça connecte très vite sur les territoires. C’est cette approche qui se base sur les territoires que je trouve intéressante et que je retrouve totalement dans Ensemble sur nos Territoires.
Il y a évidemment aussi la question du logement et la répartition de la population qui m’intéresse beaucoup, pas seulement à l’échelle d’un département mais à celle de toute la Bretagne. Entre nos territoires ruraux qui se vident et la vacance des logements, il y a une tension très forte notamment sur le littoral avec les résidences secondaires qui éjectent les jeunes qui ne peuvent plus accéder à la propriété. J’étais DGS dans une commune à côté de Lamballe, 2ème ou 3ème couronne de Saint-Brieuc, un territoire en tension qui envisageait de consommer des terres agricoles pour se développer. Nous avons réussi avec un travail de fond, en lien avec l’EPF, à intégrer complètement le fait de ne plus consommer de terres agricoles. En revanche, la solution n’est pas encore bien trouvée puisqu’ils vont densifier dans le centre-bourg, donc artificialiser des fonds de jardin, ce qui n’est pas la meilleure solution. Il faut trouver des leviers sur le littoral pour réguler les résidences secondaires et le niveau des prix, pour qu’il soit toujours possible pour des gens de s’installer à St-Brieuc et ailleurs sur le littoral, afin de lâcher la pression sur les terres non artificialisées. Et puis, il faut faire revenir de la population en centre-bretagne. Il y a un gros travail pour trouver les leviers, les politiques publiques qui permettent de s’emparer de ces sujets-là. Grâce à mon mandat d’élue locale, je me suis familiarisée avec ces enjeux d’aménagement, et j’ai très vite été passionnée. J’ai été vice-présidente urbanisme habitat de la communauté de commune et on a travaillé beaucoup sur les questions de revitalisation des centres-bourgs.
Par rapport à l’ambition générale du projet porté par la dynamique Bretagne d’Avenir, quelle plus-value de l’action d’ESNT sur votre territoire, au-delà de la lutte contre sur le sentiment d’abandon ?
Ce qui me motive, au travers de mon parcours et ma personnalité, et que j’apprécie aussi dans ESNT, c’est d’être dans le dialogue avec des personnes, un électorat, qui n’est pas nécessairement proche sur le plan politique, proche de l’écologie. De partir de l’existant, d’avoir un cap et une ambition claire de l’écologie, et d’être en capacité d’embarquer ces gens à partir de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils pensent et construire avec eux, pas à pas, des solutions. Je viens de cette histoire de l’éducation populaire.
Avec ESNT, je retrouve ce que j’ai connu à Bruded, un certain ADN. Beaucoup d’élus et de citoyens ne se retrouvent pas dans les partis politiques traditionnels. ESNT a une posture de rassemblement et de dialogue entre différentes forces de gauche, cherchant à dépasser les chapelles et travailler sur le fond, d’avoir une expertise sur les sujets et être force de propositions. Cela peut séduire et il y a un enjeu de développement d’ESNT dans le 22 et c’est cela qu’on apporte dans le liste Bretagne d’Avenir. Nous cherchons à décliner une écologie pragmatique, en s’épargnant les slogans et à priori sur un certain nombre de sujets complexes, notamment l’agriculture. ESNT peut vraiment permettre d’aller toucher un électorat qui de toute façon ne voterait pas pour une offre écolo. Comme nous avons une entrée par les territoires, avec des mandats électifs bien connectés avec les territoires, cela permet de toucher d’autres gens que les convaincus.